Voilà, je ne sais pas si vous avez lu la circulaire que j'ai envoyée plus tôt dans la soirée... C'est que j'ai la nostalgie de maîtres en écriture de poésie et de role-plays. C'est un peu pour ça que je suis venue vers vous d'ailleurs, il me semble que pas mal d'entre vous partagez ce goût d'écrire.
Bon, j'avais jeté les bases de cette amorce de chroniques lors d'une pause, l'histoire de mon perso se révèle plus longue que prévu initialement (presque deux pages en times 12 avec interligne simple)
Je précise que je fais quelques références à l'ordre - du moins la façon dont laquelle je suis parvenue jusqu'ici.
J'espère que vous serez nombreux à participer ! Bonne soirée à vous !_____________________________________________________
Comme vous pouvez le voir, je suis originaire d’une contrée lointaine. La petite île du Levant où règne à ce jour l’empereur Gokomatsu.
Mon père Seijin était le maître d’un centre d’entraînement. La formation à laquelle on s’y astreint est spirituelle avant d’être proprement militaire, mais de nombreux élèves étaient directement recrutés dans des troupes d’élite des seigneurs du pays.
Ma mère est morte en couches en donnant le jour à mon frère Shinichi et moi. Dès la naissance, celui-ci fut voué à reprendre le dojo après mon père, et moi-même à la meilleure alliance matrimoniale possible. En attendant, je vivais avec eux et m’occupais des tâches ménagères quotidiennes, entrecoupées çà et là par des leçons d’écriture et de musique, arts pour lesquels je me dévouais avec application.
Cependant, ce qui me fascinait au plus haut point, ce sont les arts martiaux pratiqués par mon frère et ses condisciples. Je les observais chaque fois que je le pouvais, mémorisais au mieux leurs mouvements. La nuit venue, je me relevais pour m’exercer à les exécuter. Il n’y avait aucun danger puisque je n’entrechoquais aucun autre bâton, et tous étaient bien trop exténués pour m’entendre ; dans la peur d’être découverte, je me faisais la plus discrète possible.
Il fallut bien que mon manège soit découvert. Il le fut par mon jumeau, pris d’insomnie. Shinichi empoigna mon katana de bois pour le recouvrir de tissu et fit de même avec le sien. Il avait pris le parti de m’entraîner clandestinement et nuitamment avec lui, curieux de mes capacités, désireux de passer du temps avec moi et de s’améliorer. Je passais ainsi les plus exaltantes heures de ma vie.
Un jour, un émissaire impérial vint mander mon père de fournir ses élèves pour livrer bataille à l’encontre d’un seigneur local inféodé.
Rapidement, mon frère se distingua pour ses qualités de guerrier et de stratège, à un tel point que « La Geste de Shinichi On » était colportée par tous les itinérants du pays. On ne parlait plus que de lui au sein de notre province.
À vingt ans, il avait atteint le grade de général. Nombreux étaient ceux qui voulaient se rapprocher de cet homme illustre et puissant en cette période troublée, notamment par le sang.
Mes années de libre épanouissement étaient révolues. Le mariage m’effrayait autant que la foule de mes prétendants que je ne pouvais de toute manière pas choisir.
Alors que mon père et moi étions en leur présence, je déclarai que seul le sabre pourrait me contraindre à une union de telle sorte, et empoignai un bâton d’entraînement et me mis en garde. Quelques-uns s’esclaffèrent tout d’abord, que je fusillai alors du regard. L’ahurissement devint général. Au bout d’un temps, le plus jeune de l’assemblée releva le défi que j’adressais à tous. Il dût plier sous les quolibets de ses aînés, tandis qu’un autre s’avançait, puis encore un autre. Ma faible constitution étaient largement compensée par la force de mon désespoir. Mon frère m’avait également parfaitement formée, plus proche de moi et plus pédagogue par nature que notre père qu’il était. La règle que j’avais fixée sans y croire s’était imposée de fait. Chaque duel remporté était un sursis de liberté.
L’affaire fit grand bruit, l’effet fulgurant. Cette fois, une autre espèce d’individus vint affluer à nos portes. Une qui ne désirait pas prendre ma main, mais en tester l’habileté. J’essuyais alors quelques défaites face à plusieurs fines lames, et en retirais de précieux enseignements.
Désormais il était question de « Shinichi et Duname, les perles jumelles d’Osaka ». Bien que cette nouvelle titulature que les joueurs de shamisen – une sorte de luth – nous avaient donnée me laissât parfois rêveuse, je ne pouvais me douter que l’empereur lui-même s’y intéressât. Sans même avoir osé me porter volontaire, je fus recrutée au sein de l’armée, puis affectée au contingent de mon frère à la demande de celui-ci. Les temps étaient trop durs et chaque combattant devait participer à l’effort de guerre. Je portai alors fièrement mes cheveux longs et l’emblème du clan On dans mon dos, et bientôt mes insignes de capitaine.
Nul subalterne ou plus haut gradé n’osait faire la moindre remarque désobligeante à mon égard, compte tenu de la position de mon frère. En fait, je sympathisais plutôt bien avec eux, qui avaient voyagé bien plus loin que mon imagination pouvait le concevoir. Ils me contaient des récits de guerres plus ou moins teintés de légendes. L’une d’elle en particulier marqua mon esprit. C’est un vétéran qui avait mené des campagnes très loin dans l’ouest. Il était une forteresse imprenable car dit-on, tenue par des Âmes Meurtries. Étaient-ce des démons ? Des guerriers au karma plus sombre que le Néant même ? Que cela incombe au talent de conteur de ce chevalier ou au destin, je gravai cette information en ma mémoire.
C’est l’an dernier que l’univers bascula, avec le décès de mon jumeau. Il n’était pas tombé au combat mais s’était fait seppuku, le suicide qui lave l’honneur de celui qui le commet. Tout d’abord, j’en voulus aux Dieux et à mon frère qui m’avait abandonnée.
J’appris par la favorite de Gokomatsu que l’empereur avait en fait décidé de tuer le général Shinichi, et ce parce qu’il aimait celle-ci que que cet amour était réciproque. Par pure jalousie, il avait sacrifié maints hommes de valeur.
La trahison ne s’arrêtait malheureusement pas là.
Mon père avait été mis au courant de tout cela, et n’avait rien fait pour empêcher quoi que ce soit. Les traditions étaient plus importantes à ses yeux que la vie de son propre fils. Peut-être le grand âge l’avait-il égaré. Peut-être avait-il lui-même reçu des menaces de mort. Mille autres interprétations se sont accumulée dans mon esprit depuis mon acte malheureux.
La démence m’avait alors submergée, et avant même de m’en apercevoir, je me ruai vers lui, le sabre tiré. Il avait alors accompagnée ma lame de ses mains vers son ventre. La réalité, une hallucination ? Tout ce que je savais, c’est que mon propre sang avait trop coulé, et de la plus ignomineuse façon. J’abandonnai mon arme et ems cheveux. Peut-être bien mon âme aussi.
Il fut dit qu’une malédiction avait frappé la lignée des On d’Osaka.
Par la suite, je suivis les bandits, marchands et contrebandiers de la Route de la Soie en tant que garde du corps ou mercenaire, m’appliquant à ne prendre aucune vie qui pouvait être épargnée. Seul le butin nécessaire à ma progression vers l’ouest m’intéressait.
C’est alors que j’atteins la ville de Sedwich, et de là un château sur motte en bord de mer qui semblait inexpugnable. Un emblème ailé flottait au sommet de ses tours…